Le CNAM forme ses stagiaires sur le modèle classique de médiation conventionnelle qui s’appuie sur le processus mis au point par Fiutak.
Au delà des apports méthodologiques, cette formation du CNAM a été l’occasion d’une réflexion de fond sur la place et la fonction de la médiation sur :
- la médiation en soi en tant qu’« objet » (quoi),
- son rôle, sa fonction (pour-quoi),
- les conditions de la médiation (comment)
- la méthode technique (comment finalement).
La médiation, c’est quoi?
La médiation est généralement présentée comme un mode alternatif de règlement des conflits.
S’agissant d’une définition à proprement parler, le code de procédure civile (article 1530) en fournit une pour la médiation conventionnelle : « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord (…) en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».
Cette définition réglementaire peut sembler imprécise ; elle est commune à celle de la conciliation conventionnelle.
Voici la définition que j’en ai à l’issue de ma réflexion :
« La médiation est un processus structuré de gestion des conflits, reposant sur la volonté et la responsabilité des personnes concernées, dans lequel le médiateur, tiers indépendant et neutre, favorise en toute impartialité dans des entretiens confidentiels, le dialogue, la communication, l’établissement ou le rétablissement d’un lien en vue de les faire parvenir à la recherche et à l’obtention d’un accord de nature à mettre un terme à leur différend. ».
La médiation, pour-quoi ?
Si l’organisation juridictionnelle a quant à elle pour objet de rendre la Justice dans le but de pacifier les relations sociales, la médiation ne tend qu’à pacifier les relations entre les individus et ainsi aller « droit au but » sans s’encombrer du « fardeau » de la Justice.
C’est pour cela, que la médiation n’est destinée qu’à favoriser le dialogue, la communication, l’établissement ou le rétablissement d’un lien entre des parties en conflit en vue de les faire parvenir à la recherche et à l’obtention d’un accord de nature à mettre un terme à leur différend.
Ceci étant, l’obtention d’un accord volontaire peut être regardée comme une forme de justice rendue : la justice « concrète » des parties et non la justice « abstraite » du juges.
La médiation, comment ?
A cette question, je propose de répondre : « en ayant recours à un médiateur accepté par les parties, dans le cadre d’une démarche voulue par chacune d’entre elles, qui a recours à une méthode appropriée ».
La médiation, comment finalement ?
Sur le plan méthodologique, la médiation est plus un « contenant » qu’un « contenu ».
Ce contenant serait la façon de placer un cadre, de faire évoluer un échange et de permettre un accord.
Sur sa philosophie, elle tient à un aspect fondamental dans l’état d’esprit, dans l’attitude, et surtout dans l’action du médiateur : le questionnement.
Le médiateur serait plus tourné vers les sujets (les parties) que vers l’objet du litige. Il s’attacherait plus aux vérités subjectives qu’à la vérité objective. Il serait attentif aux expressions et aux stratégies à l’œuvre dans le processus conflictuel.
Le juriste que je suis passe d’une approche objectiviste tournée vers l’objet, le fond et la solution du conflit à une démarche subjectiviste orientée vers les parties.
En effet, le juriste (ou le juge) considère plus l’objet du litige que les parties. Lorsqu’il a besoin d’apprécier un comportement ou une attitude, il se réfère plus à une norme abstraite qu’à la psychologie des parties. A côté de l’individu normal (ou « raisonnable »), de la personne vulnérable et du fou, il n’y a guère que le professionnel et le profane. La prise en compte du but poursuivi se limite généralement à la recherche de l’intention alors entendue comme soit bienveillante, soit malveillante. Le médiateur s’attache à faire émerger la raison du conflit, les émotions, les besoins et les attentes.
Dans un tribunal, les parties perçoivent le caractère officiel de l’institution, la place du juge et son autorité ce qui facilite l’acceptation sociale de la « solution » par les parties. La configuration symbolique de l’espace physique (décor solennel, balance de la Justice, juge au milieu et en hauteur avec une robe et un marteau et qui peut dire le droit et ordonner) et des « tenues » (Justice des hommes et non de « l’homme derrière la robe ») permet cela.
Un des enjeux de la médiation est de créer dans un écosystème très différent un cadre qui permette de trouver une solution à un conflit.
Le challenge de la médiation est d’obtenir un résultat en l’absence de pouvoir (du tiers médiateur).
C’est probablement pour cela que le postulat de la médiation est de sortir du cadre moral et juridique habituel et historique, de s’interdire toute appréciation morale, d’offrir aux parties un nouveau cadre conceptuel : elles peuvent tout dire, tout se dire, sans crainte d’aggraver leur situation ; elles ne seront pas jugées.
On passe d’une logique interventionniste – c’est aux pouvoirs publics de dire le droit et trancher un litige en audience publique – à une logique libérale qui responsabilise les individus : offrir aux parties la possibilité de régler leur différend en leur offrant un cadre et des garanties ad hoc comme la confidentialité.
Pour autant, la médiation de la consommation a une place à part au sein de la famille des médiations conventionnelles. C’est une forme de médiation particulière, réglementée par le code de la consommation. A défaut d’accord entre les parties, le médiateur leur propose une solution qui repose sur des considérations juridiques ainsi que l’équité.