L’ordonnance du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, définit en particulier le statut (d’indépendance) du « Médiateur de la consommation ». Ces dispositions ont été introduites dans le Code de la Consommation aux articles L.611-1 à L.641-1 et R.612-1 à R.616-2.
Ce statut est nécessaire pour asseoir une indépendance qui était auparavant uniquement exprimée à travers l’adhésion à une charte, avec ses valeurs et ses principes, comme celle du Club des Médiateurs de Services au Public, que suit la Médiation du Groupe Engie. Ainsi, tout adhérent au Club déclare agir dans le respect des valeurs suivantes : l’indépendance, la neutralité, l’impartialité. Au sujet de l’indépendance, la charte du Club précise :
« Le médiateur est indépendant vis-à-vis de toute influence extérieure.
Il ne reçoit aucune directive de quiconque.
Son indépendance est garantie par les moyens dont il dispose, sa désignation, les conditions d’exercice et la durée de son mandat.
Il s’engage à refuser, suspendre ou interrompre la médiation si les conditions de cette indépendance ne lui paraissent pas ou plus réunies. »
L’indépendance s’entend bien comme le fait de ne pas être soumis à une autre autorité. La loi reprend bien, entre autre, ces critères.
Pour autant, l’importance de l’adhésion à une charte ne doit pas être atténuée. Celle-ci traduit l’acte d’adhésion volontaire du Médiateur à des règles déontologiques qu’il s’engage à respecter. Elle fonde les bases d’une indépendance d’esprit et d’une indépendance intellectuelle, complément indispensable d’une indépendance juridique. Le Médiateur doit ainsi être en mesure de résister à toute influence ou pression extérieure. S’il est remis en question dans son indépendance par un requérant, il reste toutefois, avec le cadre de la charte, seul à pouvoir s’en défendre, ainsi confronté à son intégrité.
Est-ce alors suffisant de ne disposer que dune charte pour permettre la confiance des requérants, dans un monde en perte de repères ? Est-ce qu’une reconnaissance par des pairs est suffisante aux yeux des parties à un litige ? Même si cela reste nécessaire, je crois que ce n’est plus le cas aujourd’hui, dans une période de généralisation du règlement amiable des litiges. Ce n’est pas une remise en question de la compétence du Médiateur qui est en jeu ici, mais bien la crédibilité aux yeux des requérants de l’auto-déclaration de son indépendance s’appuyant sur une charte.
Cette indépendance d’esprit n’en reste pas moins fondamentale pour un Médiateur de la consommation, qui est pour l’essentiel un Médiateur « à distance ». Vis-à-vis des parties, le comportement du Médiateur devra exprimer cette indépendance, en toute transparence :
- en expliquant aux parties, préalablement au démarrage du processus de médiation, les cadres de référence déontologiques qui sont les siens,
- en faisant connaître les circonstances, si elles existent, qui seraient de nature à affecter l’indépendance du Médiateur,
- en indiquant aux parties qu’elles peuvent évoquer à tout moment, durant le processus de médiation, auprès du Médiateur, toute suspicion semblant démontrer une non indépendance.
En matière d’affirmation de l’indépendance d’un Médiateur de la consommation exclusivement rémunéré par une seule entreprise, le législateur européen a d’ailleurs voulu répondre à cette attente. Pour « garantir » cette indépendance a priori, il a proposé :
- un statut pour le « Médiateur de la consommation », inscrit dans la loi,
- une évaluation et un contrôle par une autorité également instituée par la loi.
Le Médiateur de la consommation ne s’inscrit pas dans une catégorie de métier réglementé pour autant, mais le respect de son statut est contrôlé par une commission dont les membres sont désignés par arrêté. C’est une sorte de comité « éthique » de la Médiation de la consommation qui est ici proposé.
L’indépendance est donc aussi une question de droit, et pas seulement d’esprit ou de posture. Ce cadre réglementaire transposé en droit français décrit ainsi le statut, les processus à suivre a minima, et le dispositif de contrôle du Médiateur de la consommation. Il a permis :
- de préciser qu’aucun lien de subordination, hiérarchique ou fonctionnel, ne doit exister entre le Médiateur et le professionnel (pour l’indépendance intellectuelle et juridique). Le Médiateur doit garder en effet son indépendance d’appréciation, pour émettre des propositions librement, sous sa seule responsabilité. D’où l’importance de ne plus avoir de lien de subordination induit par un contrat de travail, surtout pour un Médiateur employé par une entreprise. Le contrat de travail doit être substitué par un seul lien de rémunération du Médiateur, sans contrepartie autre que l’exercice du métier de Médiateur, dans le respect du cadre déontologique posé par la loi / le code de la consommation. C’est le cas pour le Médiateur du Groupe Engie,
- d’obliger à l’information des parties en cas de conflit d’intérêts,
- d’avoir un mandat à durée déterminée (renouvelable) donné dans le cadre de l’agrément de l’État, pour permettre régulièrement d’apprécier le respect du cadre réglementaire dans lequel est placé le Médiateur de la consommation, et donc en particulier le respect dans le temps des critères d’indépendance,
- d’avoir un budget de fonctionnement suffisant donné par le professionnel pour exprimer cette indépendance (indépendance économique).
Ces deux notions (indépendance par le statut et indépendance d’esprit) ne s’opposent pas : elles se complètent. Elles sont toutes les deux nécessaires à l’établissement d’un cadre de confiance pour les parties en conflit : c’est ainsi une garantie offerte aux requérants comme à l’entreprise. Le cadre légal du statut est un point de départ. Il reste que tout le long du chemin du processus de médiation, le Médiateur doit constamment revêtir la « toge de l’indépendance ».
La Commission de Contrôle et d’Évaluation de la Médiation de la consommation joue alors un rôle majeur : elle va garantir le statut d’indépendance du Médiateur de la consommation. Par les preuves qui lui sont apportées du respect du cadre réglementaire posé par la loi. Par le contrôle qu’elle exerce ou peut exercer sur les Médiateurs agréés. Sans ingérence au-delà de ce cadre sur la pratique du Médiateur.
Ainsi, cette commission constitue alors plus une forme de défense du Médiateur qu’une contrainte : le Médiateur seul, ne peut se défendre contre une contestation de son indépendance. Il est donc important de faire reconnaître ce dispositif de contrôle de l’éthique et du cadre déontologique que déclare suivre le Médiateur, par un dispositif réglementé, impartial et neutre. Et tout aussi indépendant.
Paradoxalement, une médiation contrôlée n’est pas une perte d’indépendance pour le Médiateur. La Commission est bien un dispositif qui garantit l’indépendance du Médiateur vis-à-vis des parties. Naturellement, sa crédibilité repose sur l’efficacité de son action. Ce dispositif constitue très certainement une forme adaptée de défense de l’indépendance de la médiation, dans un monde en perte de repères, pour donner confiance aux parties en conflit.
Est-ce qu’une loi qui encadre le statut du Médiateur constitue une perte de libre arbitre du Médiateur ? Non, si ce cadre se limite à la définition du statut, aux valeurs à respecter, et au rôle du « Comité éthique » proposé. Cela permet de compléter l’auto régulation par une « régulation » officielle.