La dernière assemblée ADR s’est déroulée en visioconférence interactive les 28 et 29 septembre derniers. Près de 300 participants ont suivi ces deux journées, avec beaucoup d’intérêt et des débats de qualité. La Médiation pour le Groupe ENGIE y a participé, ainsi que plusieurs membres de l’EEMG (European Energy Mediators’ Group), dont fait partie la Médiation pour le groupe ENGIE.
Cette session était particulièrement importante car la Commission européenne a lancé une réflexion sur la législation ADR, qu’elle souhaite réviser, après quelques années de recul. Plusieurs raisons expliquent cette volonté de Bruxelles. La pandémie a accéléré l’évolution des pratiques commerciales et la digitalisation des activités dans tous les domaines professionnels. Les habitudes de consommation ont changé et de nouvelles opportunités s’invitent dans la gestion de la relation commerciale et dans les possibilités de régler les litiges.
La mise en place de la nouvelle Commission et le contexte sanitaire avaient contraint l’avancement des travaux de la Commission. Le travail a repris avec une intensité renforcée pour permettre de proposer les ajustements législatifs souhaités. Le recul est maintenant suffisant sur le déploiement de la Directive ADR de 2013 au niveau européen. Une comparaison des différentes expérimentations est en lancement et le groupe de travail retiendra les actions qui semblent le mieux fonctionner. Elle se questionnera sur la poursuite de celles qui semblent moins efficaces.
Le format des deux jours proposait une alternance de séances plénières et d’ateliers thématiques et sectoriels favorisant les échanges. L’agenda était le suivant :
28 septembre
Le rôle de l’architecture ADR (Alternative Dispute Résolution/ Résolution amiable des litiges) dans le renforcement du commerce de détail, avec Nils Berhndt, de la DG JUSTICE.
1ère table ronde :
- Lars Arent, du “European Consumer Centres Network (ECC-Net)”
- Que faut-il faire pour que les modes alternatifs de résolution des litiges soient exceptionnels en Europe ?
- Lars Arent, du “European Consumer Centres Network (ECC-Net)”
- Que faut-il faire pour que les modes alternatifs de résolution des litiges soient exceptionnels en Europe ?
2ème table ronde :
- Jessica Depauw (Belgique), Attachée à FPS Economy
- Les modèles ADR Belges : l’autorité compétente identifie les principaux défis
3ème table ronde :
- Sónia Passos (Portugal), du “Consumer Directorate General”
- The modèle EDR portugais
4ème table ronde :
- Nicole Nespoulous (France), CECMC et DGGCRF
- The système français de médiation de la consommation
5ème table ronde :
- Eline Verhage (Pays-Bas), Leiden University
- L’approche néerlandaise de la médiation de la consommation. La plateforme ODR comme porte d’entrée accessible et inclusive vers la justice
1ère table ronde :
- Laetitia Bastian (France), CECMC et DGGCRF
- Les plateformes ODR
2ème table ronde :
- Costanza Alessi et Francesco Privitera (Italie), Consumer Directorate et Banca d’Italia
- L’impact de la digitalisation sur les modes alternatives de résolution des litiges : le retour d’expérience de la médiation des banques et organismes financiers en Italie
3ème table ronde :
- Dr. Eleftheria Papadimitriou, Directeur Général de StartADR
- L’ODR en Europe : En route vers plus d’efficacité
4ème table ronde :
- Dr. Alessandra Grassi (Italie), Créateur de “L’Accademia ODR Platform”
- Accademia ODR – Une plateforme ODR italienne pour la médiation de la consommation
5ème table ronde :
- Axelle Starek (Belgique), Ombudsman for Retail
- Bilan à 360° le l’expérience ODR belge
Le secteur financier
- Marco La Marca, DG FISMA, Commission européenne
- L’ADR dans le cadre de la protection des consommateurs financiers : des améliorations sont-elles possibles ?
- Marielle Cohen-Branche (France), Médiateur français des autorités de Marché financier (AMF)
- Les bénéfices de la médiation publique : Le leçons tirées par la Médiation des finances en France
- Paweł Zagaj (Pologne), Médiateur délégué des marchés financiers
- Le système de la Médiation financière en Pologne – résolutions de litiges non judiciaires entre clients et acteurs des marchés financiers
- Eveline Ruinaard (Pays-Bas), Commission d’arbitrage au Dutch Institute for Financial Disputes (Kifid)
- La Médiation au Kifid : L’institutions néerlandaise pour les litiges financiers
Le secteur des télécommunications
- Pawel Pokorski, DG CNECT, Commission européenne
- Principales règles de protection de l’utilisateur final du code des communications électroniques européennes pertinentes pour les ADR
- Nina Lester (Danemark), Directrice administrative de “The Danish Telecommunications Complaint Board” et membre de TELECOM-NET
- Les défis des modes alternatifs de résolution des litiges dans les télécom
Le secteur de l’énergie
- Massimo Serpieri, Team Leader, DG ENERGIE, Commission européenne
- La participation obligatoire des entreprises au système ADR dans le secteur de l’énergie
- Frédérique Feriaud (France), Directrice Générale du Médiateur national de l’énergie
- Améliorer le fonctionnement du marché français de l’énergie
- Alessandra Di Costanzo (Italie), Responsable affaires publiques et associations, Edison
- La coopération au cœur du système de résolution alternative des litiges dans l’énergie
- Benedicte Gendry, Médiatrice d’EDF et Présidente de l’EEMG
- L’impact de la crise de la COVID 19 sur les consommateurs dans l’énergie et les attentes des consommateurs en termes d’ADR
Le secteur du voyage et des transports
- Elisabeth Kotthaus, DG MOVE, Commission européenne
- Stratégie durable et mobilité intelligente : Quelles sont les prochaines étapes concernant les droits des passagers ?
- Jean-Pierre Teyssier (France), Médiateur et Président du CMSP
- Les ADR dans le secteur du tourisme et des voyages en France, et notamment la médiation : Expérience and défis
- Christof Berlin (DE), Directeur, Söp
- Faire face aux défis de la pandémie en tant qu’ADR dans le secteur des voyages
29 septembre
- José Domingo Gómez Castallo (Espagne), Directeur Général d’Autocontrol
- Autocontrol : Sensibilisation aux ADR par la publicité
- Marielle Cohen- Branche (France), Médiateur, Autorité des Marchés Financiers
- Le blog d’un Médiateur
- Enrico Maria Cotugno (Italie), Directeur adjoint, AGCOM
- ConciliaWeb : Résoudre des litiges de manière électronique
- Frédérique Feriaud (France) Directrice Générale du Médiateur national de l’énergie
- Sollen : Plateforme de e-médiation du Médiateur national de l’énergie
- Former les professionnels des ADR
- Présentation de l’ADR4 app
- Petros Zourdoumis (EL), Directeur général, ADR point-Centre
- Présentation de l’ADR4 app
- Marie-Paule Benassi, DG JUSTICE, Commission européenne
- Partage sur les conclusions des deux journées
- Didier Reynders, Commissaire européen pour la Justice
- Conclusion
Retour sur les débats
Les enjeux clés soulevés lors des débats ont été les suivants :
- La connaissance de la démarche par les consommateurs et les professionnels, l’accès à la démarche pour tous, le charactère obligatoire ou pas de la démarche, l’harmonisation du cadre du processus, la complémentarité des types d’ADR.
- La question du caractère engageant ou pas de la solution proposée a été soulevée. Le besoin d’harmoniser les processus pour les litiges transfrontaliers a été souligné. La pertinence des actions de groupe, notamment pour les litiges de faible importance a également été portée aux débats.
La Médiation pour le Groupe ENGIE suit jusqu’à la mise en œuvre des solutions acceptées par les parties (pour rappel, 9 médiations sur 10 sont acceptées et mises en œuvre). Des rencontres annuelles sont organisées chaque année avec les directions d’Engie concernées par les litiges pour les informer sur le processus, et sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport annuel. La Médiation s’efforce régulièrement d’informer le public, notamment à travers son site internet mais également par l’intervention et la participation de son Médiateur, Jean-Pierre Hervé et de sa Déléguée, Nathalie Cadier, auprès d’organismes de formation, de groupes de travail ou des associations de consommateurs.
Trois défis sont à relever :
- Faire en sorte que toutes les professions soient couvertes par le process de médiation de la consommation. Le débat a laissé la question ouverte car il n’est pas paru comme évident que toutes les professions aient suffisamment de litiges de la consommation à résoudre.
- Lever les barrières de l’accès à la médiation de la consommation, par la publicité, mais aussi avec l’appui de structures types associatives ou institutionnelles pouvant aider les plus fragiles et les plus éloignés de la digitalisation.
- Renforcer les compétences de la médiation de la consommation, notamment par la formation.
La Médiation de la consommation pour le Groupe ENGIE échange régulièrement avec les associations de consommateurs qui sont un relais et un appui précieux pour mieux intégrer les attentes des consommateurs et inclure les publics les plus fragiles dans le processus.
La Médiation de la consommation pour le Groupe ENGIE rejoint pleinement le sentiment général de la Commission et des participants sur l’importance de la formation des Médiateurs et de tous les professionnels des ADR. Le Médiateur et son équipe suivent régulièrement des formations. Le CMSP (Club des Médiateurs de Services au Public), dont Jean-Pierre Hervé est Vice-président, notamment en charge du site internet est très investi dans la formation de ses membres et de leurs équipes. Il propose des cycles de formation complet et certifiants aux Médiateurs membres (partenariats négociés avec des organismes reconnus). Il propose aussi des cycles de conférences débats sur ces sujets ADR et juridiques d’actualité. Par ailleurs le Médiateur pour le Groupe Engie participe aux formations de l’IGPDE concernant la médiation de la consommation.
Focus sur la digitalisation :
Le traitement digital des ADR s’est accéléré avec la pandémie et a permis de continuer l’activité pendant la crise sanitaire. On note aussi une attente de plus en plus forte des consommateurs, qui veulent que les chose aillent VITE. Rapidité est le mot magique, le sésame, un impératif.
Plusieurs présentations et partages ont permis d’appréhender ce que peut apporter la digitalisation des processus, mais aussi ses limites.
- La question de la sécurisation des données personnelles ressort comme un point d’attention,
- L’accessibilité des solutions digitales est un problème à intégrer : certains pays comme l’Italie ont mis en place des solutions d’accompagnement qui permettent d’inclure tout le monde. L’aspect obligatoire de la solution ADR avant la solution judiciaire contribue à ne laisser personne de côté.
- La digitalisation permet d’accélérer le processus et donc de résoudre les litiges plus rapidement, et d’apporter une meilleure homogénéité de traitement. Elle est une solution pertinente pour un traitement de masse.
- Le déploiement des plateformes représente un investissement important, et des coûts récurrents qui doivent être anticipés. Les solutions proposées n’offrent pas beaucoup de flexibilité. Ces plateformes ne sont pas nécessairement pertinentes pour des volumes limités.
Il est ressorti deux niveaux de digitalisation :
- Le développement des procédures en ligne des saisines est accessible à tous et permet de fluidifier et d’accélérer le processus. Il semble être à généraliser.
- En revanche l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la résolution des litiges doit être réservée à un traitement de masse. L’intelligence artificielle ne peut s’adapter qu’à des cas simples et récurrents.
Dans tous les cas, le processus en ligne doit être simple pour le consommateur et le consommateur a besoin d’être guidé. La digitalisation doit permettre d’accélérer le processus : certains exemples montraient des résolutions de litiges en quelques jours et en tous cas moins d’un mois.
Les participants ont d’ailleurs tous soulevé la nécessité de trouver un équilibre entre la digitalisation en tant qu’outil de meilleure efficacité et l’impératif de l’accompagnement humain dans les processus ADR. Une des clés de la réussite de la médiation réside dans le contact humain et l’écoute des parties.
Des solutions concrètes et qui semblent efficaces ont été présentées, notamment par l’Italie et la France. L’exemple italien de conciliation conjointe semble d’une grande efficacité et apporte un haut niveau de protection aux consommateurs.
Enfin, les échanges ont fait ressortir que la plateforme ODR mise en place par la Commission européenne était trop complexe. Elle reçoit plus de deux millions de visiteurs par an et est donc connue et utilisée. En revanche, seulement 200 saisines par an passent par ce biais. Sa vocation est sans doute plus informative et de mise en relation directe avec les entreprises. Un chantier devra être mené pour redéfinir son positionnement et la faire évoluer.
Sur le sujet de la digitalisation, la Médiation pour le Groupe ENGIE rejoint globalement la vision des participants. Elle promeut et utilise déjà la saisine en ligne, via son site et confirme que cette solution est la plus efficace, la plus rapide et la plus économique pour les consommateurs. Néanmoins, une majorité de demandes arrive encore par courrier, sans doute parce que certaines personnes sont mal à l’aise ou mal équipées en informatique, et probablement aussi parce que les personnes sont rassurées par le fait d’envoyer un courrier en recommandé, ce qui n’est pourtant pas nécessaire.
La Médiation pour le Groupe ENGIE utilise une plateforme mais ne fait pas appel à l’intelligence artificielle. Nous restons très attachés à la valeur de la relation humaine et du contact individuel et direct, par téléphone avec les parties. C’est très certainement ce qui contribue à ce que nous ayons un taux d’acceptation des solutions proposées et mises en œuvre supérieur à 90%.
Enfin, attention au travers de la digitalisation, qui ne doit pas entraîner un élargissement des critères de recevabilité : la force du processus de médiation, et son succès, réside toujours sur le fait que la médiation doit rester une procédure de dernier recours avant la justice. Sa qualité réside donc dans la rareté des sollicitations. Sinon, le risque est de transformer la médiation en un service client de plus, sous-traitante des professionnels. La médiation doit servir, en toute transparence vis-à-vis des consommateurs, comme un aiguillon qui pousse le professionnel à s’améliorer, et à mieux traiter ses réclamations : mais pas à devenir son sous-traitant !
Les autres avantages des ADR :
Un autre avantage des ADR présenté a été sa souplesse et donc sa capacité d’adaptation et d’intégration des nouveaux litiges. Les ADR permettent aussi de déceler les évolutions et les tendances nouvelles dans les modes de consommation. Par exemple, les consommateurs sont de plus en plus attentifs à leur empreinte environnementale.
La question des litiges transfrontaliers, de la clarification du lieu de résolution du litige, de la transparence pour le consommateur et de l’harmonisation des process transfrontaliers est un des sujets que la Commission doit aborder dans la révision de la Directive.
Tout l’enjeu est finalement celui d’avoir la confiance des entreprises et des consommateurs, par la transparence, la neutralité, la rapidité du système. Toutes les formes d’ADR ont la même vocation à faciliter la résolution des litiges et à proposer une alternative efficace à la justice. Les participants confirment le besoin de travailler ensemble, de se rencontrer et souhaitent que l’Europe puisse créer la dynamique de rencontres.
La Médiation pour le Groupe ENGIE partage et confirme l’importance de créer un climat de confiance avec toutes les parties au litige. A cet effet, l’indépendance du Médiateur est clé. En France, le fait que le Médiateur de la consommation, comme c’est le cas pour Jean-Pierre Hervé, soit nommé et contrôlé régulièrement par une autorité d’Etat, indépendante, la CECMC (Commission d’Evaluation et de Contrôle de la Médiation, seule et unique à contrôler la Médiation pour le Groupe Engie) est clé. La confiance se crée aussi par l’écoute, la confidentialité, la transparence, l’impartialité : des principes et valeurs tous portés et incarnés par la Médiation pour le Groupe ENGIE (le Médiateur comme son équipe).
En conclusion
La Commission européenne lance une grande étude qui va se poursuivre sur 2022, auprès de tous les acteurs ADR en Europe pour comprendre ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait être amélioré. Tous les acteurs intéressés à collaborer à la réflexion sont les bienvenus. L’enjeu est ainsi de mieux faire connaître les solutions ADR, de les rendre accessibles à tous, de faire en sorte qu’elles soient simples, justes et rapides. La proposition de révision de la Directive doit être finalisée avant la fin de l’année 2022.
La digitalisation fera nécessairement partie de la réflexion pour permettre d’accélérer et d’homogénéiser les processus. Néanmoins, tous les acteurs s’accordent sur l’importance de la dimension humaine à préserver.
La Commission encourage les actions de groupes pour les litiges représentant de faibles montants. Les ADR sont clairement positionnés comme une alternative à la justice, qui elle-même est en cours de digitalisation.
La Commission européenne et la CECMC semblent souhaiter que cette révision de la Directive constitue en des ajustements plus qu’en une remise en cause profonde. Il n’est pas question de déstabiliser les dispositifs mis en place dans les différents pays et qui correspondent à des situations spécifiques à chaque culture, à la taille et à l’histoire de chaque pays.
Sur les sujets à portée européenne, la Médiation pour le Groupe ENGIE s’exprime avant tout de manière collective à travers l’EEMG, Energy European Mediators Group, dont deux représentants sont intervenus en tant que speakers : Bénédicte Gendry et Alessandra Di Costanzo. La Médiation pour le Groupe ENGIE a activement participé aux débats de ces deux journées et compte bien poursuivre sa contribution à la révision de la Directive ADR.