Comme Jean-Pierre Hervé le Médiateur pour le Groupe ENGIE en 2018, Sandrine Hohl, Déléguée du Médiateur, a obtenu le 9 décembre 2023 le certificat de spécialisation « la médiation dans l’institution : maitrise et analyse de pratique du médiateur » du CNAM
L’un des objectifs pédagogiques de cette formation certifiante d’un an est de « se doter des moyens de penser et d’étayer sa position de « tiers » dans une organisation, dans des situations de conflit entre un service et son public, entre une institution et ses salariés/agents ou entre salariés/agents ; comment situer sa place par rapport aux instances de décision et aux acteurs de l’institution. »
La posture de tiers en médiation implique a minima 3 conditions essentielles pour tout Médiateur dont le rôle est de favoriser la résolution des litiges : l’indépendance, l’impartialité et la neutralité.
La première condition pour que la Médiation pour le Groupe ENGIE fonctionne est l’indépendance du Médiateur : elle est garantie par son statut donné par la loi et est contrôlée par une commission d’État, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC). Elle évalue l’activité des médiateurs de la consommation et en contrôle la conformité avec les exigences du Code de la consommation. Elle établit et met à jour la liste des médiateurs qu’elle notifie auprès de la Commission européenne. Au-delà de la réglementation, le Médiateur pour le Groupe ENGIE s’engage à respecter la charte de la médiation du Club des Médiateurs du Services au Public, socle de référence éthique.
Cette indépendance du Médiateur vis-à-vis du Groupe ENGIE est également garantie par :
- l’absence de lien de subordination avec le Groupe : un contrat de travail adapté, aucun rattachement hiérarchique ni à une direction opérationnelle ou commerciale ;
- une liberté d’agir avec des moyens fournis par le Groupe : des ressources humaines avec une équipe dédiée directement rattachée au Médiateur, du matériel et un budget autonome de fonctionnement, un site web dissocié de celui du Groupe permettant la saisine directe des requérants et présentant son organisation ;
- et une liberté de parole : des recommandations sont régulièrement faites aux filiales pour améliorer leurs process et la gestion de la relation avec leurs clients, les manquements sont pointés pour responsabiliser chaque acteur et permettre de réduire l’asymétrie avec les requérants, et des partages réguliers ont lieu avec les associations de consommateurs et autres parties prenantes.
En ce qui concerne la deuxième condition, l’impartialité : Le Médiateur ne se place ni d’un côté ni de l’autre des parties.
Et pour la troisième, neutralité : le Médiateur veille à ce que chacune des parties ait la possibilité de faire connaître son point de vue à l’autre. La Médiation n’est pas impliquée dans le litige du requérant jusqu’à la proposition de solution.
En effet, pour pouvoir faire tiers, le médiateur ne doit pas prendre parti pour l’un ni pour l’autre. Mais est-ce réellement possible ? Dans quelle mesure face au requérant, le médiateur ne va-t-il pas prendre le parti de l’entreprise ou au contraire celui du requérant quand il constate l’asymétrie de moyens entre cette grande entreprise et le requérant particulier ? Car très souvent ce sont des requérants qui ont connu le monde régulé d’ex-EDF-GDF pendant des décennies et qui peinent à comprendre le fonctionnement, les lois, les règles techniques et les mutations du secteur de l‘énergie. Comment « faire tiers » comme les différents formateurs du CNAM nous y invitent tout au long de cette formation ? L’un des risques du médiateur est de sortir de cette neutralité et impartialité en voulant « sauver » ce requérant, pour rééquilibrer le rapport de forces entre le consommateur et la puissante entreprise. C’est un point de vigilance qui doit être pleinement appréhendé par le médiateur, et connaitre le modèle du triangle de Karpman peut l’y aider.
Le triangle dramatique modélisé par Karpman distingue trois rôles possibles : Persécuteur, Sauveur et Victime (soumise ou rebelle). L’ensemble de ces trois rôles, joué par une même personne ou par plusieurs individus, comme sur une scène de théâtre, constitue le triangle dramatique. Les jeux s’inscrivent dans des rapports de compétition inconscients ; quand l’un se positionne dans le rôle de la Victime, il a trouvé son Persécuteur et cherche inconsciemment son Sauveur. Idem pour les deux autres rôles qui cherchent leurs partenaires du triangle. Dans notre cas, le médiateur peut se transformer en Sauveur vis-à-vis du requérant s’il prend son parti, ou en Persécuteur s’il prend le parti de la filiale concernée par ce litige.
Prendre le rôle du « Sauveur » peut se faire de différentes manières : faire « à la place », trouver des solutions, donner des conseils, croire savoir ce qui est le mieux pour l’autre… sauver c’est ne pas écouter ce que le médié vit et ressent à travers ce conflit qui l’oppose.
Prendre le rôle du « Persécuteur », ça peut être de ne pas écouter le médié, lui couper la parole, le juger, lui imposer son point de vue, ses idées, son unique solution, vouloir avoir raison à tout prix.
Lorsque le médiateur entre, inconsciemment ou non, dans un triangle dramatique, il perd sa neutralité, son impartialité et risque de perdre son indépendance.
La clé pour en sortir ? être davantage à l’écoute de ce qui se vit que de ce qui se dit, afin que le requérant puisse prendre conscience de ce qui a été touché chez lui à travers ce litige. Souvent nous entendons parler de « manque d’écoute, d’incompréhension, de manque de considération, de frustration, de colère, de trahison ou encore d’indignation ». Tout ce qui se vit a besoin d’être déposé par le requérant, le rôle du médiateur étant de créer l’espace sécurisé et sécurisant (de par son indépendance) pour lui permettre cela. Puis le médiateur doit pouvoir écouter véritablement (grâce à l’écoute active et la Communication NonViolente©) pour permettre au requérant d’être entendu puisqu’il n’a pas pu l’être jusqu’à présent par l’entreprise concernée par le litige.
Le médiateur cherche ainsi à diviser dans le sens où il cherche à mettre au clair ce qui divise réellement chaque partie pour leur permettre de décider de ce qu’elles veulent ensuite en faire. Il cherche à mettre les parties d’accord sur leur désaccord. Il permet de faire la clarté pour que chacun puisse faire le meilleur choix pour lui-même. Et pour cela, en médiation de la consommation, pour rétablir l’équilibre dans cette asymétrie, le rôle du médiateur est alors de faire de la pédagogie et d’expliquer sur le plan technique ou juridique ce que le requérant ne connait pas ou ne comprend pas. Il n’est alors pas dans le rôle du Sauveur, mais bien dans l’autonomisation du requérant qui peut alors faire le meilleur choix pour lui.
Cela permet aussi au médiateur d’être mieux à même d’accepter le choix du médié : en effet il n’y a pas de résultat à atteindre si ce n’est que les médiés soient en capacité de faire leurs propres choix éclairés. Pour reprendre l’idée de Lao-Tseu « l’important n’est pas le but mais le chemin ». Le médiateur est là pour permettre à chaque partie de décider où elle veut aller : séparer pour mieux réunir, ou parfois séparer pour que chacun ait la conscience de ce qui les sépare et fasse le choix de résilier le contrat qui les lie. Le chemin passe par cette posture du médiateur qui doit vérifier quelle est son intention et où il porte son attention. Un chemin vers soi pour aller vers l’autre, vers les médiés.
Le CNAM propose une formation certifiante « la médiation dans l’institution ; maîtrise et analyse de pratique du médiateur » de 126 heures à tous les médiateurs exerçant sa fonction au sein d’une organisation ou pour une organisation (administration, établissement public, entreprise, collectivité, etc) ainsi que tout collaborateur de médiateur et toute personne destinée à le devenir. Elle comprend 3 modules
– Méthodologie de la médiation et processus : approfondissement (44 heures)
– Posture du médiateur, gestes du métier, cadre d’intervention du médiateur : approfondissement (40 heures)
– Professionnalisation : analyse de pratiques (42 heures)